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Rexhep Rexhepi, le surdoué

14/11/2018

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Je ne peux pas faire des montres à la chaîne. C’est assez égoïste, mais je veux d’abord me faire plaisir et être satisfait de mon travail. »
— Rexhep Rexhepi
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Les marques de niches horlogères sont le terreau de créativité de l’industrie horlogèrE...

26/8/2018

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Souvent considérée comme une industrie figée dans ses convictions et par nature pas très innovante, l’horlogerie Suisse s’est réveillée dans les années 1980 avec l’arrivée de quelques trublions. Puis définitivement dans les années 2000 avec des jeunes marques réinventant sans cesse les codes de la haute horlogerie.

Le réveil de la Belle au bois dormant
On peut situer le réveil de la belle horlogerie mécanique avec le relancement de la marque Blancpain en 1983 par Jean-Claude Biver JC Biver Le Temps 20.09.2018. Le concept de marque, à défaut d’être dans la vérité historique, était d’une intelligence remarquable pour réveiller les émotions liées à l’horlogerie d’antan. Une mise en musique – story-telling dans le jargon marketing – élégante, épurée et puisant son inspiration dans la belle horlogerie française du 18èmesiècle. Bien sûr qu’à l’époque internet n’existait pas encore et on pouvait donc prendre quelques libertés avec l’histoire horlogère. Mais là n’est pas l’intérêt de ce concept, son importance réside dans la réinvention de la haute horlogerie et de venir sur le territoire de marques établies, pour certaines depuis des siècles, en revendiquant dès le début une place dans l’olympe de la haute horlogerie. Je pense qu’on peut dire aujourd’hui que Blancpain a créé un électrochoc salutaire pour les marques de haute horlogerie comme Patek Philippe ou Audemars Piguet.

L’équipe autour du Maestro Biver a su créer ex-nihilo un univers de marque qui en fait encore aujourd’hui un modèle pour réveiller une marque historique. Mais je pense qu’on peut aussi lui attribuer le mérite d’avoir créé une rupture, classique dans le style, mais innovante dans le discours.
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Les artisans horlogers créateurs de concepts horlogers rafraîchissants
Dans un registre moins lié aux talents du marketing, mais plus aux talents d’artisans, les créateurs de concepts horlogers ont su bousculer les codes. Certains comme Philippe Dufour ou Kari Voutilainen ont remis au goût du jour des techniques de décoration ancestrales. D’autres comme Denis Flageollet chez De Béthune ou encore Urwerk ont su réinventer des mécaniques parfois pluri-séculaires avec une approche contemporaine.
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Certains ont plus fait avancer l’horlogerie en quelques années que des marques institutionnelles et traditionnelles. Ludwig Oechslin chez Ulysse Nardin a amené des concepts horlogers datant du 18èmesiècle dans une marque qui avait été sortie du formol par son propriétaire Rolf Schnyder.
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Il est bien sûr plus aisé d’expérimenter et de créer lorsque le poids d’une tradition pluriséculaire ne pèse pas sur les décisions. Mais ce sont les mécaniques et esthétiques folles des MB&F, De Béthune, Ressence, Urwerk ou encore HYT qui ont permis à des marques comme Patek Philippe d’oser des paris esthétiques et fonctionnelles.
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Les futurs classiques du monde de la haute horlogerie
Les réels innovateurs se situent plutôt dans le haut de gamme, car les initiatives dans le milieu et bas de gamme s’inspirent souvent des codes de la haute horlogerie et limitent leur audace à remplacer les mouvements par du quartz et l’habillage par du China made.

Heureusement dans le haut de gamme ces 20 dernières années ont vu des créations d’horlogers indépendants qui deviendront les classiques de demain. François-Paul Journe a su créer un style puisant ses critères dans l’horlogerie classique du 18èmesiècle et amenant en même temps un design épuré contemporain, identitaire et d’une beauté appelée à devenir un grand classique.
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Kari Voutilainen est le digne successeur de Philippe Dufour tous deux incarnant un style classique du milieu du 20èmesiècle qui était la prolongation des montres de poche du 19ème.

Une horlogerie très respectueuse des traditions du travail artisanal dans la finition des mouvements et des esthétiques cadrans qui reposent beaucoup sur des techniques ancestrales comme le guillochage.

Ce qui est encourageant pour l’avenir est le fait qu’une nouvelle garde de jeunes horlogers talentueux est sur les rangs pour perpétuer la tradition : David Candaux ou encore Rexhep Rexhepi (Akrivia) sont des noms à retenir pour le futur, car chacun dans son style possède une signature produit distinctive et originelle.
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Pourquoi les nouvelles marques s’inspirent-elles des classiques ?
Tout le monde parle des montres connectées Les montres connectées ne sont pas l’avenir de l’horlogerie Suisse et tout à coup un OVNI apparaît qui ne fait que reprendre des codes horlogers dans un mix innovant : Daniel Wellington ou DW pour les intimes. DW créée et lancée en 2011 vend aujourd’hui 2 millions de montres par année. Ce qui est intriguant avec cette nouvelle marque est son apparente conformité avec des modèles horlogers connus. Le produit respecte tous les codes liés à un produit horloger classique : boîtier rond, des cadrans très épurés dans un style classique. La seule audace résidant dans le choix de bracelets NATO (bracelet tissé) proposés pour donner l’impression au client qu’il peut « personnaliser » sa montre.
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L’innovation réside dans sa communication totalement orientée vers la clientèle de la génération Y. Les clients postent des mises en scène de leurs montres dans des endroits esthétiquement attractifs ou plutôt « instagramables ».
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L’objet est très conventionnel, mais sa mise en scène ne l’est pas, car elle répond aux codes de communication de cette nouvelle génération qui ne lit plus, mais qui communique avec l’image et les symboles. Les clients – une minorité dans la génération Y – veulent une montre qui correspond au cliché qu’ils s’en font. Elle doit cependant répondre à leurs critères de prix (en moyenne une DW coûte CHF 180 prix public) et d’esthétique. Mais surtout la marque doit pratiquer une communication très orientée « millennials « : images, symboles, valeurs.

Réjouissons-nous de cette créativité qui fait avancer toute une industrie, parfois un peu trop occupée à réinventer ses classiques, plutôt que de créer les classiques de demain!

 Je m’efforcerai de présenter dans ce blog régulièrement des nouvelles initiatives de marques horlogères indépendantes dont l’une ou l’autre sera peut-être appelée à devenir le Patek Philippe du 21èmesiècle !

Oliver R. Müller, Founder, LuxeConsult
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Ce que les chiffres des exportations horlogères ne nous disent pas

21/12/2017

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Les chiffres publiés aujourd’hui par la fédération horlogère suisse (FHS) FHS Exportations Horlogères Novembre 2017 * pourraient passer pour des bonnes nouvelles pour une industrie qui souffre depuis 2 ans (20 mois consécutifs de recul jusqu’à février 2017). L’augmentation mensuelle de 6,3% (+2,8 % en cumul annuel 2017) en valeur des exportations est en soi réjouissante.

​Nous ne pouvons que saluer de cette inversion de tendance, mais est-ce que les nouvelles sont aussi bonnes qu’on veut nous le faire croire ?


Les 4 vérités que les chiffres de la Fédération Horlogère Suisse ne nous disent pas 

1. 
La dépendance aux marchés asiatiques va crescendo

Fait marquant : le redressement spectaculaire du marché chinois qui à lui seul tire la croissance des ventes horlogères (+19,6% en cumul annuel !). Le marché chinois (Hong Kong/Chine Continentale/Macao) est de fait le marché no. 1 pour nos exportations.

En effet après le coup de semonce tiré en 2013 par le gouvernement chinois pour endiguer une corruption devenue endémique et représentée par une consommation du luxe effrénée (notamment les montres), le marché avait connu une grosse baisse.

Les mesures décrétées en son temps pour refreiner la consommation des objets de luxe par les consommateurs chinois et leur utilisation à des fins de corruption avait mis un terme à 10 ans de croissance ininterrompue pour les horlogers suisses. Le marché local pour les marques de milieu de gamme (Longines, Tudor) et « Premium » (Omega, Rolex) a maintenant repris toutes ses couleurs Le Temps 27.09.2017 / Le recul de la lutte anti-corruption en Chine.

Le Swatch Group a entièrement raison de se réjouir de la reprise du marché local, car elle possède trois marques extrêmement bien positionnées en Chine, avec Longines (no. 1 du marché chinois dans l’absolu), Omega et TISSOT. Mais d’autres acteurs comme Rolex, Tudor ou encore certaines marques du groupe Richemont tirent très bien leur épingle du jeu.

Cependant on peut s’inquiéter de la dépendance croissante à cette clientèle, car si l’on prend les chiffres officiels, on arrive à une part de marché de 50% pour l’Asie, mais en ajoutant les achats des touristes chinois et asiatiques dans le monde on peut clairement estimer cette part à 70%, voire plus pour certaines marques.

2. Les exportations ne tiennent pas compte des retours de marché
​
Les chiffres publiés sont uniquement la somme des exportations et ne tiennent pas compte des retours de marché dus aux rachats de stocks et retours temporaires pour SAV. Un blogueur genevois s’est amusé à compiler ces chiffres et est arrivé à la conclusion que les exportations sont surévaluées d’un montant très conséquent de CHF 1 – 1,5 milliards….. ce qui représente quand même 5-8% du total selon les années Patrick Wehrli – Blog Tribune de Genève . La tendance étant naturellement à la hausse lorsque les affaires vont mal et que les marques horlogères ont l’intelligence de racheter les stocks de leurs distributeurs et/ou détaillants. Ceci a pour conséquence positive de faire un « appel d’air » temporaire et donc des ventes de nouveaux produits, mais le point négatif étant que les chiffres publiés par la FHS gomment cette tendance baissière.

3. Les chiffres d’exportation ne sont pas les chiffres de vente réelles

Les statistiques publiées par la FHS correspondent aux statistiques d’exportation brutes de l’administration fédérale des douanes. Donc les exportations du mois de novembre ne correspondent pas aux ventes réelles faites dans les magasins, mais aux exportations des marques horlogères vers les marchés étrangers. En jargon marketing, les ventes de la marque aux détaillants sont le sell-in, celles des détaillants sont le sell-out. Et le seul indicateur fiable sont les ventes faites dans les points de ventes.
  • 1ère constatation : le décalage temporel à la hausse ou à la baisse entre les exportations et les ventes réelles. Comment à la bourse les effets haussiers ou baissiers sont amplifiés par un effet de levier (bullwhip ou « effet coup de fouet ») Bullwhip dans le Journal de la FHH 02.2010

Ceci tient plus de la psychologie que de la réalité, mais fonctionne depuis des siècles.
  • Lorsque le détaillant, après avoir vendu 3 montres du même modèle le 1er mois, pense qu’il s’agit d’un nouveau trend il va l’extrapoler. En bon gestionnaire il va non pas recommander 3 pièces, mais 6, en se disant que d’une part ses confrères vont faire de même et que la marque ne lui livrera que 4 sur les 6 rapidement.
  • La marque va donc recevoir des commandes fortement augmentées (+100% par rapport à la demande réelle). Que fait-elle ? Elle augmente également ses commandes à ses sous-traitants d’un facteur multiplicateur. Ce mécanisme va fonctionner tout au long de la chaîne valeur et déclencher en amont une activité manufacturière démultipliée et surtout beaucoup plus importante que la demande réelle du marché. La conséquence immédiate sont des stocks et surtout le sentiment que tout va très bien vu la demande conjoncturelle démultipliée…. en apparence.
  • Ceci peut paraître anodin à l’échelle du détaillant, mais lorsqu’on met ceci au niveau de l’industrie dans son ensemble, on arrive aux conséquences suivantes :
    1. Un engorgement des capacités de production par une demande surévaluée.
    2. Des investissements surdimensionnés de la part des sous-traitants avec bien sûr le risque de devoir licencier et fermer des usines à la première baisse de demande.
    3. La création de stocks avec un risque d’obsolescence très marqué de par les cycles de vie réduits des produits. Il y a encore 20 ans un modèle de montre vivait quelques années, aujourd’hui les relookages et autres animations commerciales rendent certains modèles très vite obsolètes dans les vitrines des détaillants.

Le mécanisme décrit ci-dessus fonctionne bien sûr à l’inverse lors d’une baisse de la demande, mais avec des conséquences autrement plus néfastes dues à l’effet de levier :
​
  • Les moyens supplémentaires engagés deviennent vite inutiles et la conséquence la plus dramatique étant des licenciements qui ne correspondent en rien à la baisse réelle de la demande
  • Lorsque le marché baisse de 10% comme en 2016, les volumes de commandes chez les sous-traitants peuvent baisser du jour au lendemain de 30-40% voire plus !

Les vente sur internet contrôlées et maîtrisées par les marques rendront le marché plus transparent et donc plus réactif face aux variations de la demande.

4. Les baisses de volumes engendrent une désertification industrielle

Malgré une stabilisation bienvenue du volume des affaires en valeur, les volumes exportés et vendus sont en baisse constante. Ceci est d’autant plus alarmant qu’une base industrielle saine a besoin de volumes de production conséquents pour pouvoir continuer à investir dans la recherche, des moyens de production performants et surtout de la main d’œuvre !

En prenant les chiffres d’exportation depuis 2000, on se rend compte que les volumes exportés sont à la baisse : 4 millions d’unités en moins – soit 25 millions d’unités – seront exportées cette année par rapport à l’année 2000.

Pour rappel ceci est à mettre en face des 40 millions de smartwatches vendues cette année ce qui fait d’Apple – qui détient approximativement 35-50% de ce segment de marché – l’horloger no. 1 en volume. Pour autant et contrairement à d’autres experts je ne pense pas qu’Apple ait dépassé Rolex – la marque no. 1 – en termes de chiffre d’affaires.

Finalement la seule chose qui nous intéresse ici est le fait que la diminution des volumes de ventes (-1,1% en novembre) signifie une baisse des volumes de production qui est surproportionnelle.

​La raison est toute simple : les quelques marques de volume (> 50’000 montres par année) Swiss made dans le milieu et haut de gamme sont rares. Je me permets de citer ici que quelques-unes qui jouent le jeu du Swiss made et font du “volume” : Rolex, Omega, Chopard, Patek Philippe. J’aurais aimé rajouter quelques noms, notamment une marque récemment reprise, mais qui a décidé – malheureusement et dans une optique court-termiste d’amélioration des marges – de délocaliser la majeure partie de ses achats de composants en Asie.

A l’inverse certaines marques dans l’entrée de gamme et le milieu de gamme (prix public moyen en-deçà de CHF 2’500) ne peuvent tout simplement pas produire la majorité de leur habillage (composants autres que le mouvement) en Suisse étant donné les coûts de production.

La nouvelle législation sur le Swiss made est paradoxalement aussi un facteur négatif, car malgré les 60% de valeur ajoutée requise pour obtenir ce label, il ouvre la porte au pseudo Swiss made qui s’approvisionne majoritairement en Asie. Ce label est uniquement économique et non une appellation d’origine contrôlée….. et le fruit d’un consensus typiquement helvétique où beaucoup d’intérêts fortement divergents ont dû être satisfaits.  REUTERS 06.12.2017 / Le Swiss made manque de précision

Nous constatons une pyramide inversée en comparant la répartition par gammes de prix et les volumes respectifs :
  • L’entrée et le milieu de gamme (prix public jusqu’à CHF 2’500) représentent 19% du chiffre d’affaires et 87% du volume
  • Si l’on rajoute à ceci les marques premium (prix public moyen entre CHF 2’500 et 5’000) on atteint respectivement 27% et 92% !

​Ou autrement dit 8% des montres suisses exportées génèrent 73% de la valeur ajoutée !Et facteur aggravant pour la sous-traitance indépendante, quasiment 100% de ce segment de marché sont contrôlés par des marques institutionnelles (groupes ou familiales) qui ont fortement verticalisé leur outil de production ces dernières années. Le Temps / 19.06.2017 “Les sous-traitants se rebiffent”
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  • Et c’est là où le bât blesse : sans volumes, pas d’outil de production performant et par voie de conséquence perte de savoir-faire.

J’aimerais conclure sur une note positive en disant que nos exportations horlogères se stabilisent à un très haut niveau. En 15 ans nous avons doublé leurs valeurs à CHF 20 milliards. Mais il faut garder en tête qu’en jouant le jeu du court-terme en délocalisant des compétences essentielles vers l’Asie et ailleurs, nous prenons le risque d’infliger des dégâts irrémédiables pour le futur d’une industrie importante pour l’économie et l’image de notre pays.

Quant au débat sur le Swiss made, j’y reviendrai ultérieurement….

*annotation : par mesure de simplification toute l’analyse est basée sur les chiffres d’exportation sachant que les ventes destinées au marché local Suisse sont portion congrue sur la totalité des ventes. Les ventes aux touristes (ventes hors taxes/exportations) représentent une part très importante des ventes totales faites en Suisse.

​Oliver R. Müller, Founder, LuxeConsult
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Quelles seront les marques horlogères à surveiller lors des prochaines ventes aux enchères ?

13/11/2017

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Les ventes d’automne qui se sont achevées lundi soir auront une fois de plus apporté la preuve que désormais les montres sont aujourd’hui les stars – avec les voitures de collection – des ventes aux enchères. La maison Phillips avec Aurel Bacs au pupitre affirme son statut de star de la profession avec notamment une Omega Tourbillon vendue pour CHF 1,428 millions Phillips-Bacs&Russo . Ce résultat représente un nouveau record avec la montre Omega la plus chère vendue aux enchères de tous les temps. Le Temps 18.05.2017 : Interview Aurel Bacs

​A l’inverse la vente thématique HEUER orchestrée par Phillips a clairement démontré les limites de la spéculation à court terme que j’évoquais dans les conclusions de mon précédent article Le Temps/blog Le Sablier . Les prix des montres HEUER créées par Jack Heuer ont connu des augmentations de valeur en l’espace de 3 ans qui laissent songeurs les observateurs avisés du marché des ventes aux enchères. Leurs prix ne baissent pas encore, mais on peut raisonnablement affirmer qu’un plafond a été atteint.

En se basant sur les résultats de ces traditionnelles ventes aux enchères automnales, nous proposons quatre leçons à retenir :
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1. La cote d’une marque lors des ventes aux enchères : un indicateur de confiance fiable ?
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 Les maisons horlogères ont compris très tôt que des prix record obtenus lors de ventes aux enchères sont des vecteurs de communication positifs pour une marque. Les achats effectués par le musée d’une marque ou par le patron propriétaire de celle-ci pour sa collection privée sont à considérer comme un investissement marketing.La famille Stern propriétaire de Patek Philippe l’a compris très tôt et a été une des premières à réaliser des prix records portés notamment par des achats du musée qui ont permis de constituer une magnifique collection accessible au public (http://www.patekmuseum.com ).

Aujourd’hui Rolex a certes détrôné Patek Philippe avec la récente vente de la montre bracelet la plus chère de l’histoire vendue pour CHF 17,78 millions toujours chez… Phillips. Cependant Patek Philippe détient toujours le record absolu de la montre la plus chère vendue de l’histoire avec la montre de poche Henry Graves vendue pour CHF 23 millions et la 2ème place des montres bracelets avec un quantième perpétuel en acier vendu pour plus de CHF 10 millions l’automne passé.

2. Si l’on étudie les récents records établis aux récentes ventes enchères de New-York et Genève on s’aperçoit très vite qu’ils sont concentrés sur quelques noms : Rolex, Omega, Patek Philippe, Audemars Piguet, F-P Journe et Philippe Dufour.  ​
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  • Journe et Dufour étant un peu les « anomalies » dans la liste, mais aussi la confirmation que les montres fabriquées par quelques rares horlogers indépendants qui entreront dans les livres de l’histoire de l’horlogerie, peuvent être un excellent investissement. La Dufour Duality vendue pour CHF 935’000 à New-York est rare – seulement 10 exemplaires produits à ce jour – et donc désirable.

Pour revenir aux marques institutionnelles citées plus haut, on peut clairement affirmer que la cote de la marque – et donc son succès commercial – va de pair avec les prix réalisés lors des ventes aux enchères et vice-versa. Même si pour Audemars Piguet (AP) et Omega les prix hors-normes restent – pour l’instant du moins – liés aux modèles iconiques de la marque : Royal Oak pour AP et Speedmaster ou Seamaster pour Omega, avec l’exception du tourbillon pour Omega, mais qui est à considérer comme une pièce unique vue son histoire.

Le week-end passé a vu aussi la vente biennale Only Watch http://www.onlywatch.comorchestrée par la maison Christie’s Christie’s Only Watch 2017 qui a permis de rassembler CHF 10 millions pour une cause noble liée à la recherche sur la myopathie de Duchenne. Par conséquent les prix, certes fantastiques réalisés notamment par F-P Journe, Audemars Piguet ou Patek Philippe (CHF 6,2 millions pour une pièce unique)  ne sont pas forcément le reflet de la réalité absolue du marché.

Patek Philippe 5208T-010 pièce unique pour Only Watch (copyright monochrome-watches.com)

3. Est-il encore temps de monter à bord  du train des enchères horlogères ?

Cela dépendra beaucoup de vos connaissances et surtout de votre portefeuille, car le potentiel de hausse sur certaines marques citées plus haut devient de plus en plus réduit. Et les marques ayant un réel et important potentiel sont très rares.L’autre caractéristique de ce marché, malgré la digitalisation est le fait qu’il soit contrôlé – je dirais même verrouillé – par quelques initiés. Ceci vaut surtout pour le haut de gamme pour lequel une poignée de collectionneurs fait la tendance !

Malheureusement pour les amoureux de l’histoire horlogère – dont je fais partie – certaines maisons ne reçoivent pas l’attention qu’elles mériteraient : certaines montres de Minerva (constructeur mythique de chronographes) ou encore Universal Genève (inventeur de l’affichage tri-compax sur les chronographes) mériteraient beaucoup plus d’attention de la part des collectionneurs.

En tant que non-initié on peut s’étonner de l’émerveillement d’un collectionneur pour une Rolex avec une erreur de typographie sur le cadran, et son désintérêt pour une prouesse mécanique d’une marque moins connue ou oubliée.

4. A partir de là, quelles seront les valeurs montantes et les stars du futur ?
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Mon pronostic qui n’engage que moi et qui ne doit surtout pas être considéré comme une recommandation d’achat !
  • Omega: une marque avec une des plus belles histoires de l’horlogerie. Malgré les importantes hausses de prix sur les modèles Speedmaster et Seamaster de ces deux dernières années, le potentiel de croissance est encore important. Et avec la vente d’hier elle est entrée dans le cercle très restreint des marques ayant vendu une montre bracelet au-delà du million.
  • Longines, malgré son positionnement actuel très lifestyle, cette Maison possède un des plus riches patrimoine horloger, notamment dans les chronographes.
  • Breitling, car je parie fortement sur l’intelligence de son nouveau CEO, Georges Kern, pour utiliser la puissance médiatique du « auction marketing » pour pousser les ventes de la collection actuelle qui est fortement ancrée dans une esthétique vintage. Breitling a également un très bel héritage dans les chronographes qui remonte aux années 1940. Le Temps 27.10.2017 Interview Georges Kern
  • Les horlogers indépendants : mais attention, ici nous sommes dans une niche, donc un marché très restreint ou très peu liquide comme dirait les banquiers. Par contre certaines pièces d’horlogers contemporains sont déjà considérées comme le graal de la haute horlogerie, comme la Duality de Philippe Dufour évoquée plus haut et dont le prix de vente initial a été multiplié par 15 (…) en l’espace d’une vente la semaine passée. F-P Journe, Roger Smith ou encore Kari Voutilainen sont également des candidats aux records, notamment Journe qui vient de faire une enchère record à plus d’un million Only Watch 2017/FP Journe
  • Les montres de poche: aujourd’hui les prix sont encore dérisoires, malgré quelques augmentations récentes sur des répétitions minutes de Patek Philippe, mais lorsque les collectionneurs, notamment chinois, auront découvert leur valeur patrimoniale, les prix décolleront… bien sûr que pour les pièces rares !

Il va de soi que les modèles rares ou uniques de Patek Philippe ou Rolex resteront les stars des ventes aux enchères encore pour un moment, mais avec un ticket d’entrée inaccessible pour le commun des mortels, sauf si vous avez la chance de retrouver le modèle oublié d’une Patek qui dormait dans le tiroir de votre grand-père !

Je recommanderais également à un non-initié de ne pas s’aventurer – sans conseils avisés – sur un marché qui est régit par des codes et une omerta qui font presque penser à une congrégation ! Le nouveau venu sera vu dans le meilleur des cas comme une proie facile.

Mais j’aimerais conclure avec une vision optimiste qui place les enchères comme un outil promotionnel d’une industrie basée sur une tradition pluriséculaire.

​Oliver R. Müller, Founder, LuxeConsult
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Comment une Rolex Daytona en acier est passée de 500 Dollars à 17 millions en l’espace d’une vente !

30/10/2017

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Doit-on se réjouir de voir un nouveau record du monde pour la montre-bracelet la plus chère de l’histoire vendue aux enchères ? Oui certainement pour le coup de pub et l’effet psychologique positif pour une industrie qui peine à redémarrer. Les esprits critiques soupçonneront un effet de « marketing d’enchères » dans lequel les maisons de ventes aux enchères et les marques trouvent un intérêt commun. La vérité est probablement située entre les deux.

La maison de ventes aux enchères Phillips est devenue coutumière des records

La vente de vendredi soir à New-York menée tambour battant par le maître de cérémonie – Aurel Bacs, aura prouvé une nouvelle fois que le marché des montres vintage est en pleine euphorie. Le record de la montre la plus chère est toujours détenu par Patek Philippe avec une montre de poche datant de 1933 et qui s’était vendue aux enchères pour USD 24 millions en 2014, mais cette Rolex Daytona est devenue la montre-bracelet la plus chère de l’histoire. Et la grande différence entre les deux est que la Patek Philippe est une pièce unique au contraire de la Rolex qui est une pièce de grande série.

On s’en réjouit pour les vendeurs et les clients collectionneurs. Mais on peut commencer à s’inquiéter de certains prix payés qui deviennent surréalistes. Plutôt que de comparer les montres à l’art contemporain, je prendrais plutôt les voitures de collection comme référence. Les deux partagent la caractéristique que bien qu’étant rares, ils sont rarement uniques. Une Ferrari 250 GTO vendue CHF 32 millions de francs aux enchères n’est pas plus unique qu’une Rolex Daytona en acier même si elle a appartenu à Paul Newman. Et c’est là où l’on touche au point sensible de ces valorisations pour le moins folles pour un objet somme toute loin d’être une œuvre d’art (cette Rolex Daytona avait été acquise par Mme Newman pour son mari en 1968 pour la modique somme de USD 500, soit l’équivalent de CHF 3’500 en valeur ajustée).

Ce n’est plus l’objet qui fait son prix, mais son histoire

Des Rolex Daytona comme celle de M. Newman il y a en eu des milliers de produites et  de vendues. La seule exception ou valeur ajoutée objective – à part celle d’avoir été au poignet d’une star – étant une gravure au dos de la montre que l’on peut voir !

Alors pourquoi un acheteur a-t-il décidé de dépenser ou investir plus de 17 millions de dollars dans une montre à priori banale et produite à une échelle industrielle ? Et c’est là où intervient toute la magie du « story-telling » : le luxe est l’incarnation de la mise en scène d’un objet par son histoire unique et souvent le lien avec une personne mythique. Paul Newman est un acteur et coureur automobile (2ème des 24 heures du Mans en 1979) mythique. Son charisme et sa personnalité ont en fait un mythe que les gens aimeraient pouvoir toucher. Et cette montre pourra faire rêver son nouveau propriétaire en lui donnant la possibilité d’avoir un contact physique avec un objet ayant appartenu à l’acteur !

Est-ce que cela vaut 17 millions ? Probablement pas, mais il se pourrait que cet achat ait aussi une valeur d’investissement, car les prix de certaines montres vintage ont véritablement explosé ces dernières années. On peut citer en exemple quelques Patek Philippe qui ont atteint des sommets ou des Heuer qui ont vu leur prix multiplier par dix en l’espace de 2-3 ans !

Les montres vintage sont-elles pour autant un bon investissement ?

Je déconseillerais à toute personne non initiée de vouloir investir dans des montres vintage. C’est un peu la même chose que la bourse, les derniers entrants sont toujours les perdants et on peut – malheureusement – craindre que nous arrivions au zénith d’un trend.

Pour les autres et les inconscients je donnerais les recommandations suivantes :
  • Concentrez vous sur quelques marques avec un vrai potentiel à long terme : Rolex, Patek Philippe, Heuer et Omega. La dernière citée étant celle qui a certainement le plus de potentiel de croissance.
  • N’achetez qu’à des vendeurs dignes de confiance ! Le marché du vintage pullule de fausses vraies montres, des « frankenwatches » où l’on retrouve un mouvement dans un boîtier qui n’est pas d’origine, etc.
  • Informez vous avant d’investir ! Les blogs référents pour les collectionneurs vous donneront de bons et précieux conseils (fratellowatches.com ; hodinkee.com ; monochrome-watches.com). De même qu’un site de vente sérieux – comme acollectedman.com ou hodinkee.com – vous vendra des pièces authentifiées.
  • Ne spéculez pas sur le court terme ! Comme en bourse les gains les plus importants viennent souvent avec une stratégie long terme.
    • Les 15,5 millions (nets de commissions) obtenus par la Rolex Daytona représente certes 1’570% de retour sur investissement, mais sur 49 ans ! Ce gain est tout de même de 18,7% en valeur annualisée….

Et puis pour terminer : gagner de l’argent en appréciant sa collection est gage de satisfaction allant au-delà du pur mercantilisme !

Oliver R. Müller, Founder, LuxeConsult
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Le business model de l’horlogerie en pleine mutation digitale … forcée

26/10/2017

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​L’horlogerie est à un tournant de son modèle économique de la distribution. Tiraillées entre les assauts répétés de ses agresseurs dans le bas de gamme avec d’une part les montres connectées (Blog Le Sablier 28.09.2017) proposées par des géants de l’industrie électronique et d’autre part des concepts éphémères financés par du crowdfunding (Le Temps 03.08.2017: Des milliers de montres naissent en ligne ) les marques horlogères d’entrée et de moyen de gamme se doivent d’innover. Dans le haut de gamme la menace vient surtout d’un changement de mentalité générationnelle (les fameux « millennials ») et des sites internet de marchés gris (marché parallèle alimenté par la surabondance de l’offre).

L’effort d’innovation des marques se fait dans le produit, mais aussi dans sa communication et sa distribution. Les clients de l’horlogerie sont aujourd’hui plus jeunes, mieux informés et plus volatiles !

Lorsque l’horlogerie mécanique traditionnelle renaît de ses cendres dans les années 1980 avec notamment Blancpain comme porte-drapeau, la presse spécialisée est inexistante. Ce n’est qu’à la fin de cette décennie que seront lancés les premiers magazines en Italie (Orologi 1987) et en Allemagne (Armband Uhren 1989) qui seront les deux précurseurs des tendances horlogères. La communication est alors limitée par les délais de production de la presse papier et la capacité journalistique à communiquer sur les nouveautés des marques. Ce n’est qu’avec le développement d’internet que les premiers forums spécialisés – Purists ou Timezone.com – dans l’horlogerie pourront commencer à éduquer les clients avec des articles et surtout des discussions en ligne qui donnent la parole aux consommateurs. Les marques commencent à comprendre l’importance des blogueurs, mais dans leur grande majorité elles mettront beaucoup de temps à les apprivoiser, voire les adouber.
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Le changement de paradigme est saisissant entre les conférences de presse encore en vigueur dans le début des années 2000 avec un conférencier, un dossier de presse très institutionnel et des séances photos en coupe réglée et surveillée par des RP très strictes et les présentations produits de 2017 ! Les « petits blogueurs » autrefois relégués au fond de la salle de presse, sont aujourd’hui des stars et bénéficient d’un traitement parfois excessivement bienveillant. A l’instar de ce qui passe dans le monde de la mode, le blogueur devient référent et bénéficie de plus en plus d’un accès privilégié à l’information. Les patrons de marques ont très bien compris que pour un coût très modeste par rapport à la presse traditionnelle et son modèle de monétarisation de l’information ont peut aisément démultiplier la visibilité sur les réseaux sociaux en « draguant » les influenceurs appropriés.

Certains blogueurs ont très vite compris l’influence qu’ils pouvaient avoir sur la visibilité d’une marque, donc de son attractivité et par voie de conséquence de son succès commerciale. Les principaux sites consacrés à l’horlogerie sont anglophones et comptent leurs visiteurs en centaines de milliers par mois, voire en millions : HODINKEE (Le Temps 21.06.2017: interview de L. Westphalen sur les ambitions d’Hodinkee ) ou encore A blog to watch sont des sites qui aujourd’hui peuvent créer un succès commercial.

Pour ne prendre que l’exemple d’Hodinkee (blog lancé en 2008) il est intéressant de noter la stratégie particulièrement astucieuse, développée par un patron actionnaire, Ben Clymer, et qui a consisté à : 1. créer une audience avec des articles sérieux, principalement orientés sur des nouveautés produits ; 2. Créer un e-shop sur le même site avec d’abord des accessoires pour l’horlogerie, comme des bracelets, puis à proposer des articles lifestyle ; 3. à proposer des montres vintage (très en vogue auprès des « hipsters » nord-américains) à commencer avec des Rolex et des Omega et de bien sûr en faire la promotion avec des articles publi-rédactionnelles ; 4. De proposer des séries limitées développées en co-branding avec des marques (p.ex. Vacheron-Constantin ou encore Zenith) et commercialisées au nez et à la barbe de la distribution officielle (principalement des détaillants multimarques) ! 5. Vendre un magazine papier à 27 dollars (…) qui glorifie un mode de vie et qui boucle la boucle de l’évolution des médias.

On peut également citer comme exemple particulièrement innovant de cette approche de collaboration (« co-branding ») , l’initiative développée par Fratello Watches (un site initialement dédié à une communauté de collectionneurs) et OMEGA pour le lancement d’une montre – la Speedy Tuesday. Edition non plus limitée à quelques dizaines d’exemplaires, mais à 2’012 pièces…. toutes vendues en ligne sur le site de la marque en 4 heures et demie! Non seulement le chiffre d’affaires généré (11 millions de CHF) et surtout la marge sont exceptionnels (on peut gager que le site en question a reçu une commission de vente en fraction de celle d’un détaillant traditionnel), mais le plus important est que la marque garde le contrôle de sa commercialisation.

Les marques vont de plus en plus essayer de contrôler la totalité de leur réseau de distribution

Après l’intégration verticale des grossistes (distributeurs nationaux ou régionaux) qui ont été remplacés par des filiales de groupe ou de marques dès les années 1990, les détaillants sont devenus la prochaine cible des marques à forte notoriété. On peut citer comme exemples les marques Omega, Longines ou encore Audemars Piguet qui ont coupé leurs réseaux détaillants par un facteur 3, voire 10, selon les marques et les marchés.

En effet les détaillants multimarques font partie d’un modèle économique du passé pour les maisons bénéficiant d’une notoriété suffisante pour se passer d’eux. Les rares exceptions sont ceux bénéficiant d’un emplacement prestigieux dans une ville stratégique (Londres, Paris, New-York, etc.) et que les marques amadouent souvent avec le même stratagème : dans un premier temps on lance une boutique monomarque en franchise ou en partenariat (joint-venture) avec un détaillant réputé de la place, puis on ouvre une 2ème boutique monomarque en nom propre et qui est souvent mieux approvisionnée en pièces rares (….).

Les rares exceptions à cette stratégie de verticalisation de la distribution sont Patek Philippe et Rolex qui pour certaines préfèrent garder leurs détaillants indépendants tout en les soumettant à des conditions commerciales qui sont souvent très exigeantes (droit de regard sur les autres marques référencées, stock moyen minimum, surface minimale dévouée à la marque, etc.).

En conclusion et sans prendre de grands risques on peut estimer que le modèle de distribution du futur pour les marques horlogères suisses consistera en un modèle cross canal réparti entre :
  • un site d’e-commerce de la marque et quelques rares partenariats avec des sites partenairessur quelques modèles ou pour des lancements
  • des boutiques physiques monomarques contrôlées majoritairement par la marque ou en franchise et quelques très rares détaillants multimarques

Je reviendrai plus en détails sur les avantages et les désavantages des différents canaux de distribution au niveau de la vente de détail.

Oliver R. Müller, Founder, LuxeConsult
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Le business model de l’horlogerie en pleine mutation digitale

13/10/2017

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Cet article a pour but de décrire la genèse – très succincte – de l’e-commerce et son adoption par l’industrie du luxe. Dans un deuxième article je traiterai du changement de modèle d’affaires pour l’horlogerie induit par la mutation digitale.

Pour entrer directement dans le vif du sujet, l’industrie horlogère de par ses codes et son histoire n’est pas forcément vue comme étant la plus innovante. Sa résilience lui a néanmoins permis de s’adapter aux crises et aux changements de règles du jeu. Le défi qui s’impose à elle aujourd’hui n’est plus simplement un changement de règles, mais un nouveau jeu (game changer) avec un changement de comportement lié aux technologies digitales et notamment les réseaux sociaux.

Le consommateur d’aujourd’hui veut à tout moment pouvoir consommer sans se lever de son divan en utilisant son smartphone ou sa tablette. Nul besoin de faire de grandes études scientifiques pour comprendre que les magasins se vident et que le e-commerce BtoC (business to consumers) se développe de façon exponentielle (+24% en 2016 à plus de 1’900 milliards de dollars).

Face à ce défi induit par un changement de comportement fondamental l’industrie du luxe dans sa globalité a longtemps cherché à arguer du fait que seule l’expérience physique pouvait décider un client à dépenser une somme à 5 voire 6 chiffres sur un objet de luxe. Aujourd’hui ces convictions sont obsolètes et des exemples récents de transactions à plusieurs milliers, voire centaines de milliers de francs rendent ce point de vue totalement obsolète (exemple : Aston Martin vendue pour 1 million de francs grâce à ApplePay ).

La naissance de l’e-commerce et son adoption par l’industrie du luxe

Comme toute technologie disruptive l’e-commerce progresse par paliers. Et ceux qui doutaient de la pertinence d’un nouveau mode de consommation doivent déchanter, car la progression de l’e-commerce est phénoménale en ampleur et en vitesse.

Je me souviens du démarrage de LeShop.ch et des commentaires narquois sur la pertinence de pouvoir commander ses bananes en ligne plutôt que de les acheter au supermarché du coin de la rue. L’adoption de ce nouveau mode de distribution fut lente et coûteuse pour les investisseurs. Aujourd’hui en observant le nombre de véhicules de livraison des enseignes d’e-commerce dans les rues en fin de journée on peut se rendre compte de l’ampleur du phénomène.

Lorsque vous induisez un changement de comportement chez le consommateur vous pouvez vous attendre rapidement à un développement de l’offre horizontale (une offre démultipliée) et verticale (la multiplicité de produits proposés). Vient s’ajouter à ceci la confiance dans un vendeur virtuel : pour la transaction et pour le service après-vente grâce aux améliorations technologiques. Et le phénomène des ventes flash qui permettent de contourner toutes les législations régissant les soldes pour les lieux de ventes physiques.

Comment le luxe peut-il s’adapter au nouveau mode de consommation digital ?

Après avoir observé avec intérêt les changements de comportement des consommateurs pour les biens de première nécessité et de masse (en première position l’habillement et les chaussures), l’industrie du luxe a commencé par décréter que le digital pouvait être au mieux une vitrine pour les produits, mais en aucun cas le lieu virtuel de la transaction de vente.

Puis les réseaux sociaux avec facebook, Instagram, etc. sont venus s’ajouter comme canal de communication des marques. A nouveau le consensus de la branche a été de poliment décliner le transfert du lieu physique (brick&mortar) au lieu virtuel de la transaction. Tout le monde peut se souvenir – et dans certains cas encore aujourd’hui observer – les pop-ups sur certains sites internet qui expliquaient clairement que les produits de la Maison de Luxe XY ne pouvaient être acquis qu’au travers des boutiques mono-marques ou des détaillants agréés.

Vint le moment décisif en 2002 où une marque de luxe aussi iconique qu’Hermès décida d’ouvrir son premier site de e-commerce dans un premier temps uniquement pour les clients aux USA. Certes l’offre était réduite à un marché et à certains produits excluant les produits de grand prestige (les sacs à main), mais l’expérience s’est révélée être un véritable succès. D’autres maisons de luxe ont eu la main moins heureuse comme LVMH qui avait tenté l’expérience avec une offre très important sur le site eLuxury. Le site a été fermé après avoir essuyé d’importantes pertes. Le groupe Richemont cherche à renouveler l’expérience en proposant à ses concurrents directs Kering et LVMH de participer à sa plateforme Net a porter en espérant atteindre une masse critique. (https://www.letemps.ch/economie/2015/06/09/richemont-veut-collaborer-lvmh-kering ). En observant la rubrique des Montres sur ce site on comprend immédiatement que même les marques du groupe Richemont n’y croient pas et dans le meilleur des cas on y trouve les « rossignols » de la collection….

Depuis les Maisons de luxe ont commencé à essayer de comprendre pourquoi l’e-commerce représente « uniquement » la finalité d’une démarche liée à une ou des technologies (transactions démonétisées, blogs, réseaux sociaux, etc.). A partir de ce moment les acteurs du luxe ont commencé à essayer de comprendre pourquoi le « nouveau » consommateur voulait avant tout découvrir le pourquoi et le comment (les valeurs) avant de simplement aller commander un article de luxe dont il connaissait déjà tous les détails. L’expérience est aujourd’hui le principal motivateur ou déclencheur de l’acte d’achat pour la génération Y ou Millenials.

On l’aura compris le seul moteur de croissance pour l’industrie du luxe est le canal numériquequi a permis à cette industrie de croître de 4% l’année passée (source : Bain & Co. Bain Company ) et qui devrait croître encore cette année, malgré de fermetures de points de ventes physiques, notamment en Chine.

Les enjeux pour les Maisons de luxe

L’équation pour une marque de luxe consiste :
  • à établir un fil rouge entre sa présence physique et digitale: par exemple ne plus voir l’application iPhone de la marque comme un simple gadget, mais plutôt comme un canal de communication et de ventes – réactif et interactif – avec ses clients.
  • à trouver un savant équilibre entre son e-commerce et ses lieux de ventes physiques, principalement les boutiques mono-marques.

Ne pas avoir de présence sous une forme de e-commerce revient à abandonner internet comme canal de distribution aux acteurs du marchés gris. Car le client potentiel qui aura suivi une campagne promotionnelle sur le net ira instinctivement chercher le produit en « Googlant » et fort est à parier qu’en tête de liste sortiront tous les sites de ventes parallèles (marché gris ou noir selon le point de vue).

En résumé le défi de l’industrie du luxe consiste aujourd’hui à reporter l’expérience émotionnelle, nécessaire au déclic d’un achat totalement irrationnelle, d’un contact physique à un contact (engagement) digital.

​Oliver R. Müller, Founder, LuxeConsult
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La montre connectée n’est pas l’avenir de l’horlogerie suisse

28/9/2017

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​Pour rassurer d’entrée les plus sceptiques je n’adhère nullement à la ligne de défense de l’industrie horlogère qui consiste – à très peu d’exceptions près – à renier l’existence du marché des montres connectées ou smartwatches.

Je recommande aussi d’éviter l’amalgame entre la crise du quartz des années 1970 et le lancement des smartwatches. L’introduction du quartz représentait une rupture technologique, les smartwatches ne sont qu’une évolution – miniaturisation – de technologies existantes.

Par contre le point commun entre les deux est l’incapacité des acteurs d’une industrie à comprendre qu’un nouveau venu puisse venir bouleverser l’ordre établi. D’autres industries ne sont pas plus visionnaires que les horlogers suisses à commencer par les industriels de l’automobile qui n’ont pas vu venir Tesla et sa technologie électrique. Ou encore Sony qui n’avait pas compris que le Walkman devait passer à l’ère numérique ce qu’Apple a fait avec le succès que l’on connaît.

Le point commun entre TESLA et APPLE ? Un modèle d’affaires qui va au-delà du produit et qui englobe le produit, sa distribution et les produits connexes. Le client devient captif, car une fois qu’il a adhéré au mode de fonctionnement de la marque il pourra ou voudra difficilement sortir de l’univers de la marque.

 Le point commun entre les constructeurs automobiles et les horlogers suisses ? Ils ne comprennent pas que la nouvelle génération de consommateurs – ceux de la génération Y les « millennials » – adhèrent au discours d’une marque que s’ils la jugent crédible. Et ce sont eux les clients du futur pour les fabricants d’automobiles et de montres de luxe. Car même une montre à 300 dollars (la nouvelle Apple Watch 3 se vend à 329 dollars) est un objet de luxe pour ce segment de clientèle.

La question n’est plus de savoir s’il existe un marché pour les montres connectées : il s’en est vendu plus de 34 millions en 2016 et le leader du marché – Apple – détient une part de marché de 33%. Ce chiffre est à comparer avec les 25 millions de montres vendues par l’ensemble de l’horlogerie Suisse en 2016 (- 10% vs. 2015) !

La question est de savoir pourquoi aucune marque horlogère Suisse dans l’entrée de gamme, c’est à dire dans la gamme de prix des Apple Watch, ne s’est lancée dans la contre-offensive ! Je le répète : aucune technologie utilisée dans les smartwatches n’est inconnue des horlogers suisses et aucune d’entre elle n’est disruptive. Swatch Group pour donner un exemple, maîtrise (R&D et fabrication) l’ensemble des technologies nécessaires à la conception d’une montre connectée. D’ailleurs Swatch Group fournit p.ex. Garmin ou Suunto avec toutes les technologies nécessaires au fonctionnement de leurs montres (glaces tactiles, accéléromètres, etc.).

Les rares exceptions à cet état de fait sont représentées par des initiatives de Breitling, TAG Heuer, Frédéric Constant ou encore Montblanc, mais toujours dans une gamme de prix largement inaccessible pour les clients potentiels. Ces clients potentiels n’achetant pas une montre, mais un objet connecté qui – accessoirement – indique l’heure.

Reste à comprendre pourquoi aucun horloger Suisse – du moins dans l’entrée de gamme – n’essaie de contrer les américains Apple et Motorola ou encore les coréens de Samsung, alors même que nous maîtrisons la technologie et que nous sommes toujours largement les leaders du marché (uniquement en valeur !) ?

La réponse est relativement simple et tient dans le paradigme du leader qui se sent inattaquable sur son domaine d’excellence. Alors que M. Nicolas Hayek dans un interview publiée en 1993 (Harvard Business Review, Bill Taylor) expliquait qu’il ne fallait jamais céder du terrain face à l’ennemi (à l’époque les Japonais) on sent aujourd’hui un abandon (quasi) total de ce segment de marché par les horlogers helvétiques. Si certains sont encore sceptiques sur l’impact des montres connectées sur les chiffres de ventes des marques horlogères d’entrée de gamme, je les invite à consulter les statistiques de la fédération horlogère Suisse (fhs/ Statistiques d’exportations horlogères 2000-2016 par FHS). On peut constater une baisse de 28% des volumes de ventes et de 10% de la valeur (sur une période courant de 2000 à 2016) des montres exportées pour un prix d’exportation inférieur à CHF 200 (approx. CHF 500 prix public), soit le niveau de prix des Apple Watch !

La montre connectée n’est pas l’avenir de l’horlogerie Suisse…. mais elle pourrait bien représenter le début de la fin !

Si les horlogers suisses ne font aucun effort de reprendre l’initiative, nous assisterons à une baisse encore plus importante des volumes de ventes qui sera synonyme de désindustrialisation. Quelques rares marques de volume survivront très probablement comme Omega, Rolex, Cartier ou encore Longines, parce qu’elles représentent – dans leur segment de marché – un objet statutaire plus qu’une montre. De même que quelques marques de niche ou artisanales ont certainement un avenir.

Par contre je suis plus que dubitatif sur l’avenir de l’entrée de gamme du marché horloger helvétique qui devrait enfin se réveiller pour comprendre que les smartwatches sont un objet connecté permettant de gérer du contenu et des données qui sont aujourd’hui l’enjeu de la guerre commerciale qui est en passe d’être gagnée par quelques acteurs, dont par exemple Facebook, Google, Amazon ou encore Apple. Et une smartwatch au poignet occupe la place d’une montre traditionnelle.

​Oliver R. Müller, Founder, LuxeConsult
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    Oliver R. Müller is a longstanding observer of, and consultant for, the watch industry with his own opinions about certain industry behaviour. The content here is never on specific products or brands and you will not find product reviews!

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